Publié sur Facebook le 26 octobre 2023.

 

« Deux-Sèvres remarquables » : Gâtine : Forêts et chirons ?
L’ouvrage, « Deux-Sèvres remarquables », paru depuis près d’un an, est l’archétype des livres cultivant l’apparence, reflet de notre société actuelle, où le paraître est plus important que l’être.
Les photos y sont assurément belles, comme celles qui paraissent régulièrement depuis des décennies dans des ouvrages similaires. Il s’y trouve des textes tout à fait exacts, souvent généraux, parfois superficiels, qui limitent donc les incohérences.
Mais dès que l’auteur approfondit ses propos historiques, les erreurs se font plus nombreuses. Il faut avouer que la seule consultation de la bibliographie permet de se faire une idée des probables fausses informations  que l’on va y rencontrer. Sont cités tous les ouvrages de Maurice Poignat, dont j’ai déjà rapporté les propos et dont le leitmotiv était d’écrire sans se soucier de véracité historique. Pour la Gâtine, l’auteur cite plusieurs ouvrages de Bélisaire Ledain, dont son « Histoire de la ville de Parthenay » qui comprend de nombreuses erreurs ; sa « Gâtine historique et monumentale », un ouvrage de référence avec peu d’erreurs, mais seulement lorsque l’on utilise l’édition de 1897 : c’est celle de 1876 qui est citée et qui n’est pas exempte d’erreurs. On a heureusement dans cette bibliographie l’ouvrage de Stéphanie Tézière sur la Gâtine, même si on y trouve des erreurs car elle avait dû utiliser les ouvrages de Maurice Poignat.
Quoiqu’il en soit, l’influence du livre de Stéphanie Tézière est palpable, et c’est rassurant.
Pour la Gâtine, on ne peut que regretter l’usage des appellations « Gâtinaises » et de « Gâtinais » comme si l’on évoquait la vie des habitants de la région de Montargis, alors qu’il devrait y être fait référence aux Gâtinelles et Gâtinaux pour se démarquer de l’écrasant pays « Gâtinais ».
L’auteur cite pourtant  Robert Bobin qui évoquait les « paysans gâtineau » mais se contredit aussitôt en utilisant l’expression « terres gâtinaises ».
L’auteur, s’appuyant sur les limites floues de la Gâtine, donne une version bien curieuse de ce pays. Le secteur ouest est très détaillé, avec notamment Coulonges-sur-L’Autize  qui n’est pas franchement caractéristique de ce qu’est la Gâtine. Le cœur de la Gâtine est d’ailleurs très peu abordé et de nombreuses communes sont totalement ignorées comme Allonne, Azay, Adilly, Fénery, Saint-Aubin, Beaulieu, les forêts de la Meilleraye, tout le secteur de Germond, Verruyes, etc. En outre, sur la carte de présentation, Le Beugnon se retrouve sur le Thouaret. Hérisson est évoqué, mais c’est Pougne qui est positionné sur la carte.
On regrettera que rien n’indique ce qui fit la spécificité de la Gâtine d’autrefois : tout ce qui tourne autour de l’usage et l’exploitation du bois. Les tourneurs en bois chantant, les boisseliers, les charpentiers, les cercleurs, les vanniers, les charbonniers, etc. Le tissage du lin est oublié et on ne retrouve le tissage de la laine qu’à Parthenay alors que lin, laine et chanvre étaient tissés dans toute la Gâtine.
Hormis le moulin restaurés de Vernoux, les moulins sont oubliés et surtout ceux à eau qui peuplaient les rives des nombreux cours d’eau de la Gâtine.
Ce qui est le plus criant dans l’évocation de la Gâtine, c’est l’absence de référence aux chirons, ces boules de granit emblématiques du pays. Seule la pierre branlante de la Morelière de Largeasse est publiée, mais c’est pour le Bressuirais. Certes, les chirons qui s’égayaient dans les terres gâtinelles, surtout près des lieux peuplés, ont disparu. Ils ont été débités en pierres de taille pour la construction, ou en cailloux pour les chemins. L’image jointe montre l’un de ces chiron juste avant d’être détruit en 1962. Il en reste encore, souvent en des lieux retirés, parfois accompagnés d’un chêne, formant LE couple si caractéristique de la Gâtine ancienne. Un couple menacé de disparition et d’oubli.
A propos d’arbres, si l’auteur souligne trop modestement l’importance des châtaigniers près des métairies, il stipule  que la forêt de Secondigny avait surtout été exploitée « pour les ateliers de la marine royale », alors qu’en réalité ce n’est qu’à la fin du XVIIIe siècle que quelques arbres furent utilisés à cet usage et sans en être absolument certains. Les chemins étaient alors totalement impraticables pour le transport de grosses grumes et ce problème était régulièrement évoqué dans des correspondances de toutes époques jusqu’à la Révolution. On soulignera également que les autres forêts « mythiques » de la Gâtine ne sont pas évoquées dans l’ouvrage : celle d’Autun, de la Meilleraye, de la Saisine…

 

 

 

Albéric Verdon : https://gatine-parthenay.fr/

 

 

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