Publié sur Facebook le 28 octobre 2023.

 

« Deux-Sèvres remarquables » : Gâtine : Les fortifications de Parthenay ?

Je vais poursuivre mes « rectifications » puisque mon ami Yves Drillaud me qualifie de « rectificateur » !
Je commencerais par souligner que ce qui est remarquable sur un territoire, ce n’est pas seulement ses monuments ou ses races animalières, ce sont les femmes et les hommes qui l’ont façonné, le plus souvent dans l’abnégation ; ce ne sont pas les puissants, mais ceux qui les ont servis. Dès lors, ce qui devrait être remarquable, ce serait d’évoquer toutes celles et tous ceux qui œuvrent, selon leurs moyens et leurs talents, pour donner une identité à ce terroir. On se trouve devant un ouvrage où l’humain se cantonne à quelques touristes, des badauds, des joueurs, des musiciens, mais pas d’artisans, pas de Gâtinelles. D’ailleurs, où sont les femmes dans cet ouvrage ? A part la présidente du Conseil départemental, le groupe Ottis Cœur, Amandine et son troupeau de chèvres à Vouillé, et une américaine des Highland Games de Bressuire, elles sont absentes, surtout les Gâtinelles. Les éternelles oubliées de la plupart des livres d’histoires. Certes, les traces de leurs actions sont ténues dans les archives, mais n’oublions pas que derrière chaque homme exceptionnel, il y a des femmes qui lui ont permis de le devenir ! En outre, des femmes d’aujourd’hui, des artisanes aux savoir-faire exceptionnels sont nombreuses et mériteraient d’être mises en pleine lumière dans ce genre d’ouvrage.
Je reviens au livre « remarquable » où l’auteur des textes écrit à propos des fortifications de Parthenay : « Elles furent démantelées une première fois en 1487 lors de la prise de Parthenay par Charles VIII. Reconstruites par les habitants, Richelieu les fit abattre en partie. ». Une phrase où pratiquement tout est faux. Voilà une belle illustration de la méthode pratiquée par Maurice Poignat. Qu’en est-il réellement ?
Dans le texte publié sur ma page Facebook le 29 septembre dernier à propos de l’origine de l’appellation « Batterie », j’ai abordé la prise de la ville en 1487 avec la présence de l’artillerie royale. La ville n’était pas en état de se défendre longtemps comme le souligne les textes de l’époque. Les fortifications avaient déjà été en partie démolies en 1465 et les travaux de reconstruction n’étaient pas finis.
Remontons à cette époque. A la suite de la rébellion de François de Dunois, seigneur de Parthenay, tous ses biens avaient été saisis et donnés au comte du Maine. Ce dernier en rendra hommage au roi Louis XI en avril 1465. Auparavant, Parthenay avait été prise et le sommet des tours et des portes de ses fortifications démantelé comme l’atteste le paiement de 99 « bessons » ou pionniers de Poitiers que le roi avait fait envoyer à Parthenay avec des pics, pelles et autres outils.
Il y eut bien de nouvelles démolitions en 1487, mais sans être aussi importantes que certains auteurs l’ont écrit, car la plupart des vestiges actuels sont antérieurs aux démolitions de 1487.
La reconstruction ne fut pas l’œuvre unique des habitants, qui ne contribuèrent que modérément.
C’est en 1492 que des travaux de reconstruction commencent après l’accord donné par le roi à la comtesse de Dunois. En 1518, Jean d’Orléans, archevêque de Toulouse, oncle des enfants de Louis 1er de Longueville qui avait été seigneur de Parthenay, décide de faire don de 500 livres à la cité de Parthenay pour permettre la réparation des fortifications. Ce don ne se concrétisera qu’en 1523, l’argent provenant de la vente de bois de la seigneurie de Parthenay et des forêts de Mervent et de Vouvant. La somme  sera transportée dans un coffre à trois clés. Le 22 janvier 1524, les Parthenaisiens délibérèrent pour les réparations « des murailles, portaux et cloture de la dite ville et apposition des armes et blazon dudit seigneur ». Les armoiries évoquées ici sont apposées sur la porte Saint-Jacques. La partie supérieure de cette porte fortifiée fut reconstruite à cette époque. La physionomie sommitale actuelle ne date que de 1888. Quant aux armoiries, très dégradées, elles correspondent à celles de Louis II de Longueville et à celles des Parthenay-Larchevêque.
Laurent Hablot et Matteo Ferrari (https://armma.saprat.fr/monument/porte-saint-jacques-parthenay/) considèrent que ces armoiries sont plus tardives alors que les actes anciens sont là pour prouver qu’elles furent apposées en 1524. En outre, ces auteurs ignorent les dessins d’Arthur Bouneault (1839-1910) – dessins joints –  qui témoignent pourtant de la forme de ces armoiries aujourd’hui très dégradées.
Sur la sculpture comportant les armoiries des Dunois-Longueville-Orléans, ces auteurs identifient les vestiges de la représentation d’un collier de l’ordre du Saint-Esprit, ordre créé en 1578 par Henri III, ce qui accréditerait une datation plus tardive. Mais le seul collier visible sur le dessin d’Arthur Bouneault est celui de l’ordre de Saint-Michel institué en 1469 par Louis XI.
Sur l’autre sculpture comprenant les armes de Parthenay, les auteurs  prennent les vestiges de la  représentation de l’archevêque de Toulouse pour un animal (bouquetin, griffon) et s’ils identifient l’homme en armure, ils ne l’interprètent pas comme étant la figuration du seigneur de Parthenay. Cette sculpture représente en définitive les armoiries de Parthenay (les Larchevêque, lignée éteinte des premiers seigneurs) encadrées par les donateurs, l’archevêque de Toulouse, Jean d’Orléans, et Louis II d’Orléans-Dunois-Longueville, seigneur de Parthenay.
Dans le même ordre d’idée, Marie-Pierre Baudry voudrait que les tours de la porte Saint-Jacques soient de cette même période du XVIe siècle, mais si tel avait été le cas, le système de pont-levis à flèche aurait été intégré aux murs des tours. Il est seulement accolé avec un système qui était déjà utilisé dès le XIVe siècle. Les tours sont donc antérieures aux reconstructions de 1524, et l’archaïsme qui ressort de l’ensemble du passage, parfaitement lié aux tours, fait remonter la partie basse de la porte Saint-Jacques au tout début du XIIIe siècle.
Nous avons étudié cette porte fortifiée dans :
« Les portes fortifiées de Parthenay », bulletin de la Société historique et scientifique des Deux-Sèvres, 3° série tome V, 1997.
« Parthenay. La Vau Saint-Jacques, de la Maison-Dieu à la place du Vauvert », « Chroniques Gâtinelles » tome 4, juillet 2019.
Quant au cardinal de Richelieu, il ne donna pas l’ordre de démolir les fortifications de Parthenay. En 1626, il avait proposé à Louis XIII de faire démolir les châteaux non nécessaires à la sûreté de l’Etat et la ville de Parthenay n’en fit pas partie. Bélisaire Ledain n’évoque pas cette soit disant démolition pour Parthenay et je n’ai jamais trouvé de document en ce sens. Ajoutons que Richelieu, qui avait de la famille en Gâtine, sera à Parthenay les 7 et 8 octobre 1627 et à la mi-décembre 1632. Parthenay était une ville étape pour gagner le siège de La Rochelle et elle ne présentait pas de danger pour la sûreté de l’Etat.
Dessins Bouneault provenant de la Médiathèque de Niort et dessin de Sadoux de la porte Saint-Jacques vers 1850, avant les travaux de 1888 (La Gâtine historique et monumentale de Bélisaire Ledain).

 

 

 

 

Albéric Verdon : https://gatine-parthenay.fr/

 

 

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