Publié sur Facebook le 25 septembre 2023.

 

Les gisants de l'église Sainte-Croix de Parthenay

Il est regrettable que les auteurs d’ouvrages généraux sur l’histoire se contentent habituellement de prendre comme sources d’autres auteurs. Ce qui est criant aujourd’hui, c’est qu’ils utilisent toujours de vieux ouvrages ou de vieilles études qui comportent pourtant de nombreuses erreurs. Ils colportent ainsi des informations erronées que divers auteurs, voire chercheurs, utilisent ensuite comme base pour d’autres études. Dans notre société de « fake news », le phénomène semble s’amplifier. L’histoire approximative, voire arrangée, est en pleine essor, consciemment ou inconsciemment. Pourtant, diverses découvertes font continuellement évoluer l’histoire.
Qu’il soit diplômé ou non, l’incontournable de l’éthique de l’historien est de vérifier ses sources et même d’aller jusqu’à la source initiale, en court-circuitant les intermédiaires, c’est-à-dire de rechercher les actes originaux ; à défaut, des études récentes construites sur des actes originaux. Certes, nul n’est à l’abri de faire des erreurs, mais je veux surtout souligner que c’est la démarche de vérification qui est négligée.
J’aurais bien des exemples à citer où même de hauts diplômés publient des actes qui ne sont que des copies prises dans d’autres publications, des erreurs de lecture, ou des oublis qui peuvent être de plusieurs lignes. D’où la nécessité de revoir les sources.
Face à cette situation de colportage de fausses informations historiques, je propose de rectifier certaines erreurs constatées, lorsque c’est possible, en nous appuyant sur des actes authentiques. Ma cible historique est bien évidemment la Gâtine de Parthenay.
Je prendrais comme exemple l’ouvrage publié cette année par un éditeur poitevin, intitulé « Histoire du Poitou ». On y trouve en page 135, une belle photo du gisant masculin qui se trouve dans le chœur de l’église Sainte-Croix de Parthenay. Dans cette partie du livre, l’auteur évoque les divers romans de Mélusine dont celui commandé par Guillaume VII, seigneur de Parthenay de 1358 à 1401, à son chapelain Coudrette. Si l’auteur semble avoir une connaissance actualisée sur Mélusine, c’est tout le contraire pour Parthenay. Il écrit « son gisant est placé dans l’église Sainte-Croix de Parthenay. Son fils, Jean II, lui succéda mais n’ayant pas d’héritier direct, ses terres furent vendues, à sa mort en 1427, au Dauphin, Charles VII, le futur roi de France et vainqueur de la Guerre de Cent ans ». À lire ces lignes, on pense naturellement que le futur roi fut seigneur de Parthenay alors qu’il n’en est rien. Ce type de raccourcis très utilisé par Maurice Poignat dans ses écrits sur les Deux-Sèvres au XXe siècle, est une source majeure des erreurs qui se colportent de nos jours.
En ce qui concerne le soit disant gisant de Guillaume VII, tout commence en 1853 lorsque les gisants d’une femme et d’un homme sont découverts derrière un retable du XVIIe siècle qui était alors démoli. Coudrette avait écrit dans son roman : « Le dixseptiesme jour de may. Et gist en terre à Partenay ; En l’iglese de Sainte Croix ; La gist le chevalier courtoys ; en une noble sepulture ». Coudrette y évoque également Jeanne de Mathefelon, l’épouse : « Plus doulce d’elle ne vit nulz, humble, courtoyse et amïable, moult pieuse et moult charitable. Moult fist de biens aux povres gens, tant ot le cuer et franc et gens ». L’abbé François Jarlit, fait aussitôt le lien entre les écrits de Coudrette et les gisants découverts. Personne ne fera l’effort d’analyser le costume des gisants. En outre, un document de 1676, fait état des tombeaux de deux couples de seigneurs dans l’église Sainte-Croix.
J’avais fait ce constat dans une étude de 2009 : « L’église Sainte-Croix : un recul et deux gisants », bulletin de la Société historique de Parthenay et du Pays de Gâtine. Maria Cavaillès, ancienne conservatrice du musée de Parthenay, l’avait reprise dans « Les tombeaux des dames et seigneurs de Parthenay », Les seigneurs de Parthenay au Moyen Age, musée de Parthenay, 2021.
Les costumes des gisants sont du XIIIe siècle et, de ce fait, il ne peut s’agir de Guillaume et de sa femme Jeanne de Mathefelon.
De toute évidence, il s’agirait des gisants de Guillaume V Larchevêque, qui semble être le créateur de la charge de Maître d’école de Sainte-Croix, et de son épouse Amable de Rancon.
Il est probable que les gisants de Guillaume VII et de sa femme furent détruits à la Révolution.
On notera que l’auteur de l’ouvrage sur le Poitou ignore la femme de Guillaume VII qui avait pourtant incontestablement une influence sur les écrits de Coudrette. La photo du gisant féminin méritait largement d’être publiée ! Une fois de plus, la place de la femme est minimisée, voire ignorée.
Pour en revenir au raccourci historique qui induit que Charles VII aurait pu être seigneur de Parthenay, la réalité est que dès 1415, par saisies ou par promesses de vente, les biens de Jean II Larchevêque sont placés théoriquement entre les mains des Dauphins successifs : Louis, puis Jean et enfin Charles. Ce sera l’origine du siège de Parthenay en 1415 puis en 1419, date du dernier contrat de vente au Dauphin qui, ne pouvant pas honorer les paiements, donne la baronnie de Parthenay à Arthur de Richemont. Ce dernier, reconnu héritier de ses domaines par Jean II Larchevêque en 1425, prend la tête de la baronnie en 1427. On mesure ici le grand écart entre la version proposée au public et la réalité.


C’est la photo du gisant d’Amable de Rancon que je publie, une femme dont on ne sait rien de sa vie. Elle serait née vers 1198 et décède en 1269.

 

 

 

Albéric Verdon : https://gatine-parthenay.fr/

 

 

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