Lettre de juillet 2024, publiée ici en avril 2025.
Dégradation du service publique, « les Deux-Sèvres sur le podium » avec une médaille d’or pour les Archives départementales !
Depuis quarante années, j’effectue des recherches dans divers dépôts d’archives et de bibliothèques à travers la France, et si j’ai pu apprécier certaines évolutions pour faciliter le travail des lecteurs-chercheurs, la situation se dégrade de plus en plus depuis une bonne dizaine d’années. C’est notamment le cas aux Archives des Deux-Sèvres avec un manque de considération envers les personnes qui s’y rendent pour y effectuer des recherches, malgré les efforts des agents d’accueil. Les Archives ne sont pas un service administratif public ordinaire où l’on prend rendez-vous et où on y passe que peu de temps. C’est au contraire un lieu qui nécessite d’y venir fréquemment et d’y rester de nombreuses heures à effectuer des recherches dans tout ce qui y a été déposé, afin de collecter des informations réelles, tant pour des aspects administratifs, qu’historiques ou généalogiques. Toute éthique historique passe par un nombre considérable d’heures à y passer. Aux Archives des Deux-Sèvres, j’ai connu l’époque où il y avait beaucoup moins de personnels, et l’on pouvait y venir tous les jours de la semaine, de 8 h à 17 h 30 ou 18 h. Puis on a commencé à réduire le temps d’ouverture journalière, à supprimer ensuite une partie des heures du lundi, puis la totalité de cette journée. Maintenant, est-ce la dernière marche avant la fermeture des archives au public ? avec une réduction drastique des horaires : une heure et demie de moins par jour, sans compter le temps qui se perd à cause de la pause méridienne puisque les lecteurs doivent rendre les documents qu’ils consultent, ranger et enlever leurs matériels de travail avant d’être obligé de sortir. Et au retour, c’est le processus inverse, ce qui équivaut au total à une diminution de près de deux heures de recherches par jour. Le ratio heures de recherche/Kms explose !
La fermeture méridienne jette littéralement les lecteurs à la rue. Plus d’accès à la fontaine d’eau potable, aux sanitaires, à la salle spécialement aménagée pour que les lecteurs puissent y déjeuner. Il n’y a aucun café, restaurant ou autres commerces à proximité du site. Le dépôt d’archives départementales se situe à Niort et il est donc excentré. Il est ainsi à près de deux heures de trajet pour les personnes demeurant aux extrémités nord du département. En ces temps de transformations climatiques où il devient urgent de favoriser le transport en commun, un chercheur qui utilise ce mode de locomotion se retrouve maintenant livré aux intempéries pendant une heure. Je pense ici à Pierre Arches, un historien qui a marqué le département par la qualité de ses travaux historiques et qui ne prenait que les transports en commun du département pour aller de Parthenay à Niort. Il serait à la rue, aux intempéries ! Même ceux qui disposent d’un véhicule devront faire tourner le moteur pour ne pas avoir froid en hiver. Que dire s’il y a la canicule ? On flirte avec la maltraitance. Où est l’éthique de la Fonction publique ? Les Deux-Sèvres ouvrent-elles la voie aux dégradations des relations vis-à-vis du public, afin d’être un « model » pour d’autres services d’Archives départementales. Nos Archives sont, à priori, les premières à agir ainsi dans l’Ouest de la France où la tendance est plutôt contraire comme l’ouverture le samedi matin en Loire-Atlantique.
Le service des Archives est une vitrine du département pour tous ceux qui y viennent, de France et de l’étranger, notamment des Québécois. Tous ont l’opportunité de comparer ce service aux autres dépôts qu’ils fréquentent, et là, les Deux-Sèvres sont en chute libre.
Cette décision arbitraire a été prise sans aucune concertation avec les lecteurs/chercheurs, pas plus qu’avec la présidente du Cercle généalogique ou le président de la Fédération des Sociétés historiques du département. Les responsables de ces deux organismes n’envisagent pas d’adresser de courrier de mécontentement au Département, de peur de ne plus avoir les subventions qui leurs permettent d’exister, un aspect sournois de la manipulation, un moyen de faire taire les revendications. Ce constat est une illustration d’une possible emprise sur certaines associations d’organismes politiques ou publics. C’est un terreau sur lequel finissent par s’installer le clientélisme puis la tentaculaire corruption, des gangrènes qui rongent insidieusement et peu-à-peu notre société actuelle. Je ne pense pas que le milieu de la recherche historique en soit atteint, mais un élu m’a déjà dit que l’on pouvait bien tricher avec l’histoire. Il rejoignait ainsi un auteur qui a publié plusieurs livres sur les Deux-Sèvres, à qui j’avais dit qu’il y avait des erreurs et qui m’avait répondu que ce n’était pas grave, car l’important était d’écrire. Il est navrant de constater qu’il est fréquemment utilisé dans des travaux historiques, y compris par des universitaires. Ce n’est certainement pas la réduction des horaires d’ouverture des archives qui va remédier à cette situation !
Pour revenir à cette fermeture arbitraire du midi, on place « Les Deux-Sèvres sur le podium » selon le titre de l’exposition qui occupe actuellement le hall des archives. D’ailleurs, monter une exposition qui mobilise du personnel et des finances pour, dorénavant, moins de trente heures théorique d’ouverture au public par semaine, est-ce sérieux ? Et comme il faut montrer patte blanche pour entrer, heureusement qu’il y a les scolaires pour gonfler les statistiques.
D’ailleurs, à propos de montrer « patte blanche », j’ai déjà subi à de nombreuses reprises la « punition » de rester dans le sas d’entrée jusqu’à 10 mn, à attendre que l’on veuille bien m’ouvrir la porte d’entrée, et avec le supplice de cette phrase lancinante où l’on vous prie de patienter en attendant que l’on veuille bien vous ouvrir, et avec l’obligation de re-sonner de multiple fois. Le système est certes destiné à lutter contre le terrorisme, mais c’est le seul dépôt que je fréquente qui pratique de cette sorte. J’imagine une personne venant simplement voir l’exposition et qui fait demi-tour devant cette contrainte. Dès lors, ce lieu est-il encore adapté à des expositions ?
La diminution des heures d’ouvertures au public va accroître le nombre de demandes de recherches auprès des Archives. Dès lors, le personnel va être davantage sollicité et occupé à effectuer ces recherches qui sont souvent purement de loisirs. J’ai parfois échangé avec ces auteurs qui se targuent de faire des recherches, alors que ce sont les agents des Archives qui s’en chargent. Pour respecter « Le Code du Patrimoine », ce sont donc les contribuables qui vont payer les agents chargés d’effectuer des recherches de loisirs.
Concrètement, d’un point de vu de chercheur, ce que j’ai pu faire autrefois, je ne le pourrais plus aujourd’hui : une dizaine de gros cahiers remplis de notes de mes débuts, puis une trentaine de gros classeurs de photocopies, et enfin près de 800 000 photos d’archives réalisées dans divers dépôts.
Lorsque je travaillais, j’avais le vendredi après-midi de libre. Je venais dès 12 h 30 aux Archives le vendredi après-midi. C’est ce qui m’a permis d’engranger les nombreuses informations qui m’ont servi à mes diverses publications. Dorénavant, le temps de déballer mon matériel informatique, il me resterait moins de trois heures de recherches. Peut-on faire des dizaines de kilomètres pour un si court délai de recherche ? Non, si tel avait été le cas, je ne serais pas venu, je n’aurais pas fait les recherches, je n’aurais pas fait avancer les connaissances historiques sur la Gâtine et mon site internet, consulté du monde entier, n’existerait pas.
Et puis, il y a les formations qui étaient proposées au public entre midi et 14 heures, permettant à certaines personnes travaillant sur Niort de pouvoir en profiter. C’est également terminé pour cette catégorie de personnes.
Je peux encore citer les étudiants, certes moins nombreux de nos jours car on ne leur demande plus la même chose qu’autrefois, mais ceux qui voudraient venir seraient également défavorisés. Ils auraient tout intérêt à choisir un sujet de recherche où les archives seraient plus accessibles, comme à Poitiers par exemple. Il faut croire que le département des Deux-Sèvres ne cherche pas à favoriser les études mettant en valeur le département. On peut aussi citer le jeune chercheur avec un modeste salaire, pour qui l’augmentation du nombre de voyages est hors de ses moyens.
Jusqu’au départ de la directrice des Archives, Brigitte Pipon, il y avait une relation éthique avec le public. Comme ses prédécesseurs, elle aidait les chercheurs, elle s’investissait dans les recherches sur l’histoire du département et il n’était pas rare de la rencontrer à certaines conférences ou assemblées générales des sociétés historiques. C’est terminé. Les responsables semblent être dans une tour d’ivoire, et l’on peut se demander à quoi servent les formations reçues dans de prestigieuses écoles financées par l’argent des contribuables, puisqu’il faut croire que les responsables ne font plus que de l’administratif, ou peu s’en faut, avec l’objectif d’excellente statistiques. Le paraître, rien que le paraître envers la hiérarchie ?
Un ami, qui s’occupe de classer et ranger les archives du Porteau à Pressigny, a demandé qu’on lui traduise le contenu d’un petit parchemin écrit en latin, une démarche naturelle autrefois, mais ce n’est plus le cas. A la lecture de la réponse, il y a de quoi être stupéfait de constater qu’une des personnes du service, qui connaît également la paléographie latine, ne puisse faire cette lecture car la liste de ses tâches est impressionnante : « Je suis au regret de ne pouvoir donner une suite favorable à votre demande d'aide à la transcription, en effet l'agenda culturel des archives est déjà très dense : expositions et visites, conférences, ateliers de généalogie, visites de groupes des Archives, ateliers scolaires... ». Cette personne, qui s’occupe parfaitement du public lorsqu’elle est présidente de salle, n’a-t-elle pas une demi-heure à consacrer pour la lecture d’un petit parchemin ? Un travail qui était autrefois réalisé par les directrices. Dès lors, on peut se demander pourquoi ces personnes ont reçu une formation en paléographie latine si elles ne l’utilisent pas au profit du public ! Serait-ce une illustration de l’élitisme qui fait que toute personne n’ayant pas vôtre niveau de diplôme ne mérite aucun intérêt ? Le diplôme est une base qui facilite le développement des compétences, on peut le faire fructifier où bien le laisser se déliter pour n’être qu’une béquille pour asseoir sa carrière.
J’ajouterais, dans la catégorie des inepties, qu’il m’est arrivé de transcrire des documents anciens en français au profit des agents qui ne parvenaient pas à l’obtenir de leur encadrement ! Dans le même ordre d’idée, il m’est arrivé de faire modifier des inventaires pour des lieux ou des personnes mal transcrits.
Nous sommes trois chercheurs à avoir dressé bénévolement des inventaires de fonds d’archives privées qui sont déposées aux AD 79. C’est normalement un travail qui devrait être réalisé par le personnel du dépôt, mais il est occupé à d’autres tâches. Eh bien, nous sommes trois à avoir dû réclamer un simple remerciement de la part des responsables. On a vraiment le sentiment que les cadres ont une aversion du public ! J’ai rencontré la responsable voilà près de 10 mois pour lui proposer de disposer de la totalité de mes recherches en salle de lecture car je ne mets pas tout en ligne. En outre, je lui avais également présenté mes reconstitutions cadastrales. Elle n’était visiblement pas intéressée par ces dernières. Elle devait me recontacter pour ce qui concerne mes recherches, mais c’est le silence total. Avec mon ami qui classe les archives du Porteau, on se demande si c’est une bonne solution de confier les archives et le fruit de ses recherches à cet organisme public qui semble s’en désintéresser. On devrait sans doute faire comme Pierre Arches qui a fait détruire toutes ses recherches, anticipant sans doute ce qui se passe actuellement. J’ai fait un autre inventaire d’une série de plus de 200 cartons, mais je ne l’ai pas donné aux Archives.
Des quatre missions qui incombent aux Archives départementales qui sont « collecter, conserver, classer et communiquer », il ne semblerait qu’il n’y ait que le classement et le rangement qui intéressent l’encadrement. L’article L211-2 du Code du Patrimoine stipule pourtant « La conservation des archives est organisée dans l'intérêt public tant pour les besoins de la gestion et de la justification des droits des personnes physiques ou morales, publiques ou privées, que pour la documentation historique de la recherche ».
En augmentant les contraintes sur les chercheurs, on les rebute et cela engendre d’avantage de médiocrité dans ce qui est publié puisqu’ils ne vérifient plus leurs sources. On en a des exemples dans une série de livres « remarquables » parus récemment. C’est autant de fausses informations qui vont nourrir ChatGPT et IA similaires. Pauvre département des Deux-Sèvres.
De tous les dépôts d’archives que j’ai fréquentés, j’avais toujours mis les Deux-Sèvres en tête. Le personnel de la salle de lecture est plutôt aimable et serviable, même si des lecteurs peuvent avoir des difficultés à obtenir leurs documents dans le respect des horaires de délivrance. Les Deux-Sèvres ont même le privilège d’avoir une des personnes les plus compétentes que je connaisse pour aider le public dans leurs recherches. J’ai gardé malheureusement le souvenir de l’humiliation que des cadres lui ont fait subir. J’avais pris l’habitude de lui demander directement les références des archives que je voulais consulter le vendredi après-midi afin de gagner du temps. La règle aurait voulu que je passe par le secrétariat qui lui aurait ensuite transmis pour le même résultat mais avec une économie de temps. En outre, la transmission pouvait ne pas se faire. Sa collègue de salle, jalouse, s’en était plainte auprès des cadres. Un vendredi après-midi, lorsque je suis arrivé en salle, il a été obligé de venir me voir pour me dire de n’utiliser que la procédure officielle, chronophage, mais officielle. En soit, ce n’était pas bien important, mais, en rang d’oignons, cadres et agents d’une partie des archives étaient là pour s’assurer qu’il s’acquittait de cette tâche et savourer son humiliation. Le plus « causasse », si je puis écrire pour cette affaire navrante, est que c’était la dernière fois que je venais aux archives un vendredi après-midi puisque j’étais ensuite à la retraite. Il est regrettable que cet agent qui s’investit toujours auprès du public, tout en respectant scrupuleusement la réglementation, ait eu à subir cette humiliation.
Humiliation encore pour un lecteur qui avait l’habitude de travailler avec sa veste, mais qui un jour l’avait enlevé et déposé sur le dossier de son siège. Une cadre s’en étant aperçue, elle l’incendia copieusement, tant et si bien que le lecteur ne revint plus. Cette cadre étant pourtant partie, il ne souhaite plus revenir.
Des situations désagréables, j’en ai connu bien d’autres. Une fois, en arrivant aux Archives Nationales, les agents s’étaient mis en grève. J’avais donc dépensé le prix d’un voyage en train pour rien. Un gréviste a eu le culot de me dire que j’aurai su qu’ils étaient en grève si j’avais consulté le site de la CGT !
Je ne garde pas de bons souvenirs des Archives Nationales, surtout au guichet de délivrance des cartons d’archives. Poireauter était la règle et l’amabilité souvent absente. Une fois, j’attendais, tandis que deux agents bavardaient, me jetant régulièrement un coup d’œil jusqu’à ce que l’un d’eux se décide à me délivrer le dossier demandé. Ils espéraient sans doute qu’un autre veuille bien faire le travail à leur place. Je n’ai pas rencontré de telles situations dans d’autres dépôts d’archives ou en bibliothèques. En revanche, et comme je l’ai rapidement évoqué, certains chercheurs ont parfois de forts désagréments dans la délivrance des documents aux Archives de Deux-Sèvres, et je sais que leurs griefs n’ont pas été pris en compte ou tout du moins reconnus par l’encadrement. C’est en quelque sorte toujours la faute du lecteur. D’ailleurs, la modification des horaires, associée au dernier problème que je viens d’aborder, incite aujourd’hui une chercheuse à jeter l’éponge. Elle a décidé de ne plus venir aux Archives des Deux-Sèvres. Je vais sans doute prendre le même chemin en allant plutôt à Poitiers. Et on se plaint de la diminution du nombre de lecteurs !
Dans certaines salles de lecture, on a parfois des surveillants qui semblent être sortis des meilleures écoles de la Stasi. Le moindre bruit de papier, un parchemin qui craque et l’auteur se trouve rudoyé. C’est heureusement fort rare, et pas dans les Deux-Sèvres. Il est de toute façon difficile de ne pas faire « craquer » un parchemin lorsqu’on l’ouvre pour le lire et le photographier. Il est cependant légitime que le personnel surveille les lecteurs malveillants, car cette catégorie existe malheureusement. Dernièrement, j’ai découvert un acte sur lequel on avait découpé une signature. Ce « trophée » d’un égoïste doit aujourd’hui trôner sur une page de généalogie qui finira peut-être un jour à la poubelle. Une photo aurait rendu le même service en respectant l’intégrité du document.
Du temps de la « jalouse » que j’évoquais précédemment, certains lecteurs égoïstes et peu soucieux de la conservation des archives, venaient en salle lorsqu’elle était chargée de la surveillance. Elle était particulièrement laxiste et j’ai pu constater que des documents avaient eu à en souffrir.
L’informatique et l’appareil photo numérique m’ont permis de développer une approche plus approfondie de l’histoire de la Gâtine. Photographier tous les actes concernant la Gâtine paraissait à certains une perte de temps. Bien au contraire, en disposant de ces photos chez soi, on a davantage de temps à y consacrer, on lit plus facilement en grossissant les actes et on peut facilement classer les informations. C’est ce qui m’a permis de développer mon site internet qui en étonne plus d’un en se demandant comment une seule personne peut disposer d’autant d’informations.
La numérisation et la mise en lignes d’archives est en soi une bonne chose, mais c’est parfois réalisé en dépit du bon sens. Si les registres d’états civils, les cadastre, des registres matricules, etc. sont légitimes, pour ce qui est des actes notariés, est-ce une bonne solution pour ceux qui remontent au XVIe siècle, par exemple, qui sont difficiles à lire et peu consultés ? Sur tout ce qui est placé sur Internet, une part de plus en plus importante encombre les « data center » puisque les pages ne sont pas consultées. On me rétorquera que cela n’a qu’un coût financier négligeable, mais si l’on tient compte du coût de la numérisation, du matériel informatique, de la maintenance et du coût énergétique préjudiciable pour la planète, n’y a-t-il pas d’autres solutions ? Ne peut-il pas y avoir, pour ce type de documents, une sorte de « dossier à la demande » qui ne serait disponible que le temps nécessaire au chercheur pour faire son travail ?
En ce qui concerne les inventaires, on est parfois confronté à des situations qui laissent perplexes. Ainsi, dans un fonds d’archives privées déposé aux Archives des Deux-Sèvres, on trouve référence au duc de la Trémoïlle, cité simplement dans un acte pour sa charge au sein de la Généralité du Poitou, mais on ne signale pas le dénombrement de Champdeniers au XV siècle.
Les inventaires d’archives sont de plus en plus souvent mis en ligne, et c’est une bonne chose, sauf que de plus en plus souvent on ne dispose pas de l’inventaire in-extenso. Les inventaires sont indexés par mots clés pour être utilisés par les moteurs de recherche, ce qui est pratique pour une recherche bien précise, et surtout dans le domaine contemporain, mais pas pour des recherches plus générales ou sur des périodes anciennes. On est alors confronté à l’orthographe très variable des noms et l’existence de lieux disparus ou de seigneuries sans attache qui ne rentrent pas dans les index. Il devient alors impossible de les retrouver s’ils n’ont pas été identifiés où si leurs noms portent des orthographes différentes.
Plus on augmente les données disponibles en ligne, plus la masse de retours augmente et le trie devient particulièrement chronophage. Et c’est sans compter la pollution générée par des moteurs de recherches qui ramènent toutes sortes d’informations inutiles puisées dans les notes, explications, fiches, etc. Si on ajoute en plus les plantages, les liens inexistants, les pages vides, etc., toute recherche devient vite chronophage. Dès lors, pour des thèmes plus généraux et avec l’expérience, l’inventaire complet au format pdf offre plus d’opportunité et des repérages plus aisés. C’est en tout cas ce qui m’a permis de belles découvertes.
J’ajouterais que pour avoir été chef de projet pour la production de produit d’enseignement assisté par ordinateur, puis pour les environnements numériques de travail, l’intuitivité de l’interface et la navigation fluide sont des règles primordiales, tout comme l’ergonomie. En évoquant ma manière de travailler sur un seul écran, et la nécessité d’avoir une interface la plus sobre possible pour augmenter l’espace de lecture d’un document, la responsable des archives m’a conseillé d’ajouter un deuxième écran. C’est oublier que notre champ visuel de travail est réduit et que le double écran pour la lecture et la transcription d’actes nécessiterait un déplacement continuel de la tête et augmenterait les erreurs et le risque d’oubli de lignes.
Dans le domaine de l’ergonomie, il y a une bonne marge de progression pour ce qui concerne les archives. C’est d’autant plus avéré lorsque l’inventaire papier ou initial est mal fait, ce qui engendre un accroissement du nombre d’erreurs et d’oublis lorsqu’il est parcouru par les moteurs de recherches.
Je vais prendre le cas de la série M des Archives Départementales de Niort. Voilà quelques années, une société privée a été chargée de reclasser son contenu dans des contenants et chemises adaptés. Cette tâche était effectivement nécessaire, mais le travail de reclassement et l’inventaire qui a été réalisé tombent dans le domaine du « n’importe quoi ». Le nombre de contenants a été artificiellement gonflé pour augmenter les coûts, et les archives très mal classées. Je n’ai pas retrouvé des documents consultés avant cette restructuration, et chaque fois que j’ai consulté les nouveaux dossiers, j’ai signalé des erreurs aux responsables de la salle de lecture. Dès lors, des documents on pu être remis à leur place. Il y en a d’autres que je n’ai jamais retrouvés.
Je peux encore évoquer la série Q de ce même dépôt qui avait fait l’objet d’un reclassement avec ajout de documents, puis l’inventaire avait été mis en ligne. Il a rapidement été retiré car le nombre d’erreurs était incroyable, notamment des localisations erronées, et absolument pas intuitif. Dès lors, pour toute recherche dans cette série, et pour éviter de laisser passer un document, il faut se replonger dans tous les cartons.
Tous ces problèmes se rencontrent dans les autres dépôts.
Le classement des archives se fait parfois en dépit du bon sens et on se demande si l’on ne cherche pas à gonfler artificiellement l’importance d’un fonds en multipliant les cotes ou références.
Aux Archives des Deux-Sèvres, si je veux voir les actes de la famille Ogeron, l’inventaire en ligne indique que le fonds se compose de 4 boîtes, mais il y a 89 côtes, chacune concernant sans doute environ quelques documents seulement. C’est-à-dire que pour ces quatre cartons, en étant limité à 10 ou 12 côtes par journée, il faut prévoir venir huit fois et ne passer aux Archives qu’une à deux heures. Personnellement, sauf si les cartons sont énormes, il me faudrait moins d’une journée pour photographier le contenu de ces cartons.
On a parfois de belles bourdes dans les archives. Un jour, un élu de la Gâtine était fier de m’annoncer que les Archives venaient d’acquérir une représentation du château de Saint-Pardoux. Devant ma perplexité, une cadre avait été chercher le document. Il ne m’a fallu que quelques secondes, en lisant la dénomination des chemins mentionnés sur le document, pour identifier le château de Saint-Pardoux en Dordogne !
Pour terminer, je dois reconnaître que les agents font un travail fantastique, même s’il peut arriver que certains n’y mettent pas nécessairement l’enthousiasme nécessaire, et je serais plus nuancé sur l’encadrement qui met de plus en plus de distance avec le public venant en salle de lecture. L’ambiance ne semble pas la meilleure possible, et il est facile de s’en faire une idée lorsque les cadres viennent voir leurs agents en salle et qu’ils oublient que l’on entend les conversations. En 40 années, j’en ai entendu ! J’ai bien évidemment noué des amitiés avec des agents et j’ai pu mesurer les contraintes, pressions et autres aspects qui engendrent parfois de véritables souffrantes, dont l’origine me semble bien futile. Je ne connais pas les tenants et aboutissants de cette situation, car je dois reconnaître que les agents respectent scrupuleusement leur devoir de réserve, ce qui les honore !
Je terminerais par ce plaisir du regard d’un lecteur qui vous remercie car, grâce à mon site internet, il vient de remonter une génération de sa généalogie, une consultation de mon site faite sur le conseil d’un président de salle !
Depuis la diffusion de cette lettre, la situation ne s’est pas arrangée. Les nouveaux horaires d’accès du public aux Archives départementales devaient être réévalués, promesse de la directrice Marie Bolot envers les présidents des sociétés historiques du département. Promesse non tenue. Une preuve supplémentaire du manque de considération pour la recherche de la part de la présidente du Conseil départemental (Coralie Desnoues) et son obligée la directrice des Archives. En outre, c’est également le personnel qui en pâtit. Respect, considération, valorisation, reconnaissance, des notions que semblent méconnaître ces deux femmes. Elles devraient mon article « Considération et valorisation comme moteurs de l’apprentissage selon un usage inter-réflexif de la production de savoirs ». Ce sujet concerne directement les interactions au travail.
Les ouvrages actuels et à venir, qui ne font que « remalaxer » ce qui a déjà été publié, le faux avec le vrai, – le faux ne faisant que croître – ont de beaux jours devant eux, au détriment de la véracité historique.
Albéric Verdon : https://gatine-parthenay.fr/
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