Publié sur Facebook le 25 janvier 2024.

 

Les souterrains de la Gâtine.

Lors de mes deux dernières conférences, l’une, sur la seigneurie et les origines de Secondigny, l’autre, sur les seigneuries de Châteauneuf à Largeasse, on m’a posé la même question concernant  les souterrains reliant deux lieux. J’avais écris dans un texte précédent que j’aborderai ce thème.
Ma réponse, en ces deux occasions, a été la même. Je propose de se projeter au Moyen âge et d’imaginer devoir creuser ces souterrains, après s’être demandé pourquoi et à quel prix ? Il faut s’armer d’un pic, creuser de plus en plus profond avec l’éclairage blafard d’une chandelle de suif  (l’huile était rare et chère, surtout en Gâtine où la principale source était celle de noix). Il faut prendre en compte la nature de la roche, car en Gâtine, il y a beaucoup de granit, et parfois certaines variétés sont très dures. En outre, entre les lieux qui seraient liés par des souterrains, il y a souvent une rivière. Et puis, surtout, il n’y avait ni boussole, ni carte. Nos anciens, s’ils connaissaient parfaitement les chemins à emprunter pour aller d’un lieu à un autre en utilisant des points caractéristiques (rochers, arbres, croix, points d’eau, etc.), n’avaient qu’une connaissance approximative de la direction où se trouvait le lieu à atteindre. Dès lors, dans de telles conditions,  aucune équipe de (sous)-terrassiers n’aurait pu relier deux lieux. D’autre part, il est généralement admis qu’il faut attendre le XIXe siècle pour qu’il soit techniquement possible de creuser sans risque des tunnels sous des rivières.
Je dois cependant nuancer mes propos car il y a bien des souterrains en Gâtine sur lesquels je vais revenir.
Mais je vais commencer par quelques témoignages et expériences personnelles.
Lorsque j’ai commencé à effectuer des fouilles archéologiques au château de Parthenay, un vieux Parthenaisien est venu me trouver et m’a assuré que j’allais découvrir le souterrain qui reliait ce château jusqu’à celui de la Meilleraye, soit 9 km à vol d’oiseau. A l’époque, je n’avais ni l’expérience ni les connaissances actuelles, mais pour moi, la nature granitique du sous-sol ne permettait pas d’y trouver des souterrains. En outre, hormis la distance, je savais que du point de vu historique, c’était une aberration. En effet, au Moyen âge, la Meilleraye n’était qu’une modeste seigneurie, et lorsque son château prit de l’importance au XVIIe siècle, celui de Parthenay commençait à tomber en ruine. J’avais gentiment acquiescé les dires du vieil homme, le laissant repartir avec ses certitudes.
Il se dit aussi qu’il existe un souterrain au château de Parthenay qui passe sous le Thouet et qui ressort au Roc de Châtillon-sur-Thouet. J’ai déjà abordé le problème de la rivière, mais j’ajouterais l’élément suivant. Il existe bien des caves souterraines au château de Parthenay, avec un couloir souterrains qui permettait d’accéder à la cour du moulin. Le granit est ici soit très tendre, on peut le creuser à la truelle, soit extrêmement dur. C’est pourquoi, dans ce dernier cas, pour aménager le couloir souterrain vers le moulin, les terrassiers ont dû utiliser une faille naturelle de la roche qu’ils ont agrandie en partant du haut. La moitié supérieure du couloir est maçonnée et couverte en bâtière. Un bel exemple qui prouve que l’on ne pouvait pas creuser des souterrains partout.
Quant à passer sous le Thouet à Parthenay, il faut savoir que pour construire le Pont-Neuf en 1840, il fallut descendre à 4 m sous le niveau de l’eau pour trouver une roche suffisamment dure. Dès lors, si l’on remonte un peu le Thouet jusqu’au château, il aurait fallu creuser à une profondeur supérieure à 4 m pour espérer ne pas avoir d’infiltrations susceptibles de noyer le tunnel… et s’y ajoute la dureté du granit.
Il existe une autre anecdote concernant les souterrains du château de Parthenay. Robert Bigot, qui fut maire de la ville, déclarait, qu’enfant, il y avait pénétré et qu’il avait constaté que les souterrains étaient si imposant qu’un homme à cheval pouvait aisément s’y déplacer. Il a probablement parcouru les caves que je viens d’évoquer. Déblayer, un homme à cheval aurait peut-être pu y circuler à cheval, mais il n’est pas sûr qu’un accès le permette et la balade aurait été de courte durée car ce n’est pas immense. Il y a ici le problème du rapport de taille enfant/adulte que je vais aborder.
Autre témoignage avec celui des enfants des années 1950-1960 qui jouaient autour de la porte Saint-Jacques. Ce monument comporte à sa base, débouchant sur le Thouet, un ancien aqueduc qui conduisait les eaux de ruissellement à la rivière. Devenus adultes, certains de ces enfants m’ont décrit cet aqueduc comme un souterrain qu’ils avaient parcouru accroupis. Avec une section de 70 x 90 cm, ils leurs auraient été bien difficile de le parcourir une fois adulte !
J’ai choisi ces histoires pour accompagner mon expérience personnelle en ce domaine, vécue à Thouars. Cette ville est construite sur du schiste et de nombreuses galeries et caves se relient dans le sous-sol. Ma grand-mère maternelle possédait une maison place Saint-Médard près du presbytère. Elle avait une cave qui était interdite aux enfants car les escaliers d’accès étaient dangereux et l’un deux très vermoulu. Enfant, j’avais eu l’opportunité d’y descendre, et j’avais dès lors gardé le souvenir d’un immense souterrain avec une grande porte d’accès. N’ayant pas trop envie d’y retourner, je n’y suis redescendu qu’adulte, avec une déception à la clé ! Pour passer « l’immense porte », il fallait que je baisse la tête et le souterrain était bien plus petit. Tout cela pour illustrer le fait que nous gardons dans nos souvenirs le rapport aux choses selon notre taille de l’époque. Si l’on ne revoit pas un lieu durant des années, et jusqu’à ce que l’on devienne adulte, on ne retrouve plus les repères dimensionnels d’origines. C’est le même phénomène pour une maison ou un lieu que l’on n’a pas revu depuis son enfance et plus encore vers 5-6 ans, âge où l’on conserve nos premiers vrais souvenirs.
A Parthenay aussi il y a des caves souterraines, certaines entièrement voûtées. Certaines sont liées entre-elles et il y a aussi quelques conduits souterrains qui sont généralement d’anciens aqueducs. La plupart de ses structures sont maçonnées. C’est surtout dans la partie haute de la ville que des découvertes ont été faites, notamment rue Jean-Macé. Il y a bien sûr le Caveau des Dames que j’ai évoqué dans mon texte sur la maison de la Mauclavelière, actuelle place de la Mairie.
Il existe également de rares caves entièrement creusées dans la roche, notamment la bien nommée « Maison de la Cave », rue Férolle. Le creusement en avait été facilité au Moyen âge car la roche granitique est ici très dégradée. Elle a la particularité d’avoir un puits en son centre.
J’aborderai aussi le cas des glacières qui peuvent être prises pour des souterrains. Je prendrais l’exemple de l’ancienne Maison-Dieu intra muros, logis dit Henri IV, entre les rues du Château et Parmentier, la glacière se trouvant sous cette rue. Elle est entièrement maçonnée.
Les principaux souterrains qui alimentent les fantasmes et les croyances, ceux qui reliraient divers lieux entre eux, ceux qui apparaissent lorsqu’un engin agricole ou de travaux publics perce la voûte, ce sont les « souterrains refuges ». Si l’on prend l’ouvrage de Jérôme et Laurent Triolet « Souterrains du Poitou », paru en 2003, la Gâtine se trouve vierge de toutes découvertes. Il faut bien reconnaître qu’elles sont souvent volontairement cachées, le trou remblayé et le silence de mise pour éviter les « embrouilles » archéologiques ! J’ai eu l’occasion de discuter avec un conducteur de pelleteuse qui abonde en ce sens.
Il existe donc de nombreux souterrains refuges en Gâtine, mais l’inventaire en est complexe par une sorte d’omerta. J’en connais une petite dizaine, mais je ne suis descendu que dans un seul.
En général, ils se trouvent sur la croupe d’un terrain en bordure de ruisseau, un secteur où la roche du sous-sol est souvent un peu plus dégradée, ce qui en facilite le creusement. Ils auraient un ou deux accès et disposent de trous de ventilation au plafond. Un couloir peu large et non rectiligne dessert quelques pièces. Des niches sont généralement aménagées dans les parois pour y poser une chandelle. On y voit alors des traces de suie comme on le voit sur la photo prise dans le souterrain de Puyrenard découvert il y a une quinzaine d’année.
Il faut considérer que les matériaux extraits étaient utilisés dans des constructions voisines ou pour empierrer des chemins. On évitait le travail inutile ! Tout était fait pour que l’accès au souterrain soit discret. A ma connaissance, il n’y a pas eu de souterrain de Gâtine qui ait fait l’objet d’une fouille archéologique. Dès lors, on ne connaît pas la manière dont étaient aménagés les accès.
La plupart des souterrains refuges remontent au Moyen âge, mais ils servirent durant les Guerres de Religions et sans doute, pour certains, lors des guerres de Vendée.
J’ajouterais le cas du souterrain de Pugny qui date des Guerres de Religions. Là, il semble bien que l’on ait un souterrain reliant le château à une des fermes situées à quelques centaines de mètres. Mais là, la technique fut tout autre ! Une stratigraphie réalisée par une pelleteuse avec découverte du sommet de la galerie souterraine permet d’en comprendre la création. Je commencerais par préciser que le propriétaire d’alors avait d’importants moyens financiers. Une « armée » de terrassiers ouvrit une vaste excavation entre le château et la ferme. Une galerie maçonnée couverte de dalles de pierre fut alors aménagée au fond, et le tout entièrement rebouché. Là, il n’y avait pas besoin de boussole pour exécuter les travaux.

Je suis preneur de toutes informations sur des sites souterrains de Parthenay et la Gâtine. « verdon.alberic@wanadoo.fr »

 

 

 

Albéric Verdon : https://gatine-parthenay.fr/

 

 

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