Adélaïde Victoire Mignonneau, féministe méconnue

Le combat des femmes pour l’égalité des droits avec les hommes est très ancien, et il commence à se faire véritablement connaître en Gâtine à la fin du XVIIIe siècle. On va surtout le percevoir dans quelques écrits, mais également dans certaines pratiques. C’est notamment le cas avec Adélaïde Victoire Mignonneau, que nous considérons comme la première institutrice laïque de Gâtine. Elle est la fille d’un chirurgien parthenaisien, lui-même fils d’un autre chirurgien. Elle est baptisée en l’église Saint-Laurent de Parthenay le 23 décembre 1787, et par ses actions, elle va marquer la vie locale du début de l’Empire jusqu’à son décès, en 1842. Autant préciser dès à présent que ses opinions sont avant-gardistes, ce qui lui attirera bien évidemment l’opprobre de certaines familles que l’on pourrait qualifier aujourd’hui de traditionnalistes. Alors qu’elle n’a que 18 ans, elle ouvre une institution pour les jeunes filles en 1805. Elle connaît sans doute déjà Jean-Marie Gallemand, de vingt ans son aîné, qui s’établit officiellement comme instituteur à Parthenay en 1806 et qu’elle épouse le 3 février 1807. Ce dernier avait demandé l’autorisation de créer une seconde école secondaire pour y enseigner« les principes de la lecture, l’écriture & l’arithmétique, & ensuite développer à fond les éléments de la grammaire francaise, de la geographie et de la mythologie ». Dès lors, le couple dirige une école que se trouvait rue Béranger, dans une maison ancienne, occupée aujourd’hui par divers services de la commune. Malheureusement, l’établissement est dévasté par un incendie en 1808. Qu’importe, la maison est restaurée et les instituteurs poursuivent l’éducation des jeunes filles.

Voici ce qui en est dit en 1812 : « L’établissement d’instruction publique dirigé par Mme Gallemant, acquiert tous les jours un nouveau degré de confiance ; que ce pensionnat devient très nombreux, et qu’il mérite à juste titre la préférence qu’on lui accorde sur beaucoup d’autres placés dans les environs. L’instruction y est d’autant étendue qu’on peut le désirer ; les maîtres d’agrément y sont réunis à ceux d’utilité ; la morale y est surtout enseignée et pratiquée d’une manière digne des plus grands éloges. Les exercices publics ont prouvé que les élèves ont profité des bons principes qui leur sont inculqués ; elles ont également fait preuve de goût pour la danse, et pour la musique vocale et instrumentale ». Avec le retour de Louis XVIII, Adélaïde Victoire Mignonneau obtient un brevet d’enseigner le 7 décembre 1819, avec lequel, « elle pourra obtenir l’autorisation spéciale d’exercer les fonctions d’institutrice primaire du premier degré ». Cette même année, un courrier stipule qu’elle est à l’origine de l’ouverture de l’école mutuelle de Parthenay ce qui montre tant sa renommée que sa personnalité. Les idées de la Restauration ne sont pas celles d’Adélaïde Victoire Mignonneau et elle va s’opposer de plus en plus au maire.

Dans les premières années d’existence de son établissement, elle soulève l’indignation de plusieurs familles en faisant exécuter des exercices publics par ses élèves, comme cela se pratique habituellement pour les garçons. Dès 1813, on lui notifie l’interdiction de cette pratique qui serait  contraire aux bonnes mœurs. Précisons que ces exercices sont des lectures et des pièces de théâtre. Notre institutrice passe outre et fait faire des exercices en publics les années suivantes. En 1822, le maire s’en plaint encore au sous-préfet en précisant que « cette éducation est très mauvaise pour les jeunes demoiselles ».

Adélaïde Victoire Mignonneau va perdre une partie de ses élèves avec l’arrivée des religieuses Ursulines de Chavagnes en 1820. Les idées conservatrices de la Restauration et les pressions exercées sur les familles vont ramener les filles vers les établissements religieux. En 1824, notre institutrice s’en plaint amèrement en indiquant que les religieuses « lui enlèvent pour ainsi dire son état ». Étant très estimée, le conseil municipal lui augmente alors son indemnité de logement. Dix ans plus tard, en 1834, sont établissement compte 37 filles en hiver et 33 l’été, tandis que les religieuses s’occupent de 116 filles toute l’année. Il est alors dit d’Adélaïde Mignonneau, « l’institutrice remplit les devoirs de sa profession à la satisfaction des familles ». Elle est très estimée. L’année suivant, le maire indique qu’elle est fréquemment malade et qu’une jeune femme, sa fille, est pressentie pour la remplacer. Veuve, elle décède en 1842 et deux établissements vont remplacer son école : celui des dames Andrieux et celui des dames Sauzeau. Aucun n’aura son aura. Des écoles privées non religieuses pour les filles se rencontrent à Parthenay jusqu’à la Seconde guerre mondiale malgré l’ouverture de l’école publique et laïque de filles en 1866.

 

Article publié sur le blog de Généa 79 le 1er novembre 2018. https://genea79.wordpress.com/

 

 

Albéric Verdon : https://gatine-parthenay.fr/ 

 

 

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